Thursday, January 7, 2010

Pessimistes à qui mieux mieux

Carnaval, de James Ensor

Les nouvelles de Maupassant sont d'une lucidité souvent cruelle. On s'imagine très bien qu'il ait été influencé par la philosophie pessimiste de Schopenhauer, ou du moins convergé avec ce penseur. Voici un extrait révélateur d'une nouvelle:

"Schopenhauer venait de mourir, et il fut décidé que nous le veillerions tour à tour, deux par deux, jusqu'au matin.
Il était couché dans une grande chambre très simple, vaste et sombre. Deux bougies brûlaient sur la table de nuit.
C'est à minuit que je pris la garde, avec un de nos camarades. Les deux amis que nous remplacions sortirent, et nous vînmes nous asseoir au pied du lit.
La figure n'était point changée. Elle riait. Ce pli que nous connaissions si bien se creusait au coin des lèvres, et il nous semblait qu'il allait ouvrir les yeux, remuer, parler. Sa pensée ou plutôt ses pensées nous enveloppaient ; nous nous sentions plus que jamais dans l'atmosphère de son génie, envahis, possédés par lui. Sa domination nous semblait même plus souveraine maintenant qu'il était mort. Un mystère se mêlait à la puissance de cet incomparable esprit.
Le corps de ces hommes-là disparaît, mais ils restent, eux ; et, dans la nuit qui suit l'arrêt de leur coeur, je vous assure, Monsieur, qu'ils sont effrayants.
Et, tout bas, nous parlions de lui, nous rappelant des paroles, des formules, ces surprenantes maximes qui semblent des lumières jetées, par quelques mots, dans les ténèbres de la Vie inconnue.
"Il me semble qu'il va parler", dit mon camarade. Et nous regardions, avec une inquiétude touchant à la peur, ce visage immobile et riant toujours.
Peu à peu nous nous sentions mal à l'aise, oppressés, défaillants. Je balbutiai :
"Je ne sais pas ce que j'ai, mais je t'assure que je suis malade."
Et nous nous aperçûmes alors que le cadavre sentait mauvais.
Alors mon compagnon me proposa de passer dans la chambre voisine, en laissant la porte ouverte ; et j'acceptai.
Je pris une des bougies qui brûlaient sur la table de nuit et je laissai la seconde, et nous allâmes nous asseoir à l'autre bout de l'autre pièce, de façon à voir de notre place le lit et le mort, en pleine lumière.
Mais il nous obsédait toujours ; on eût dit que son être immatériel, dégagé, libre, tout-puissant et dominateur, rôdait autour de nous. Et parfois aussi l'odeur infâme du corps décomposé nous arrivait, nous pénétrait, écoeurante et vague.
Tout à coup, un frisson nous passa dans les os : un bruit, un petit bruit était venu de la chambre du mort. Nos regards furent aussitôt sur lui, et nous vîmes, oui, Monsieur, nous vîmes parfaitement, l'un et l'autre, quelque chose de blanc courir sur le lit, tomber à terre sur le tapis, et disparaître sous un fauteuil.
Nous fûmes debout avant d'avoir eu le temps de penser à rien, fous d'une terreur stupide, prêts à fuir. Puis nous nous sommes regardés. Nous étions horriblement pâles. Nos coeurs battaient à soulever le drap de nos habits. Je parlai le premier.
"Tu as vu ?...
- Oui, j'ai vu.
- Est-ce qu'il n'est pas mort ?
- Mais puisqu'il entre en putréfaction ?
- Qu'allons-nous faire ?"
Mon compagnon prononça en hésitant :
"Il faut aller voir."
Je pris notre bougie, et j'entrai le premier, fouillant de l'oeil toute la grande pièce aux coins noirs. Rien ne remuait plus ; et je m'approchai du lit. Mais je demeurai saisi de stupeur et d'épouvante : Schopenhauer ne riait plus ! Il grimaçait d'une horrible façon, la bouche serrée, les joues creusées profondément. Je balbutiai :
"Il n'est pas mort !"
Mais l'odeur épouvantable me montait au nez, me suffoquait. Et je ne remuais plus, le regardant fixement, effaré comme devant une apparition.
Alors mon compagnon, ayant pris l'autre bougie, se pencha. Puis il me toucha le bras sans dire un mot. Je suivis son regard, et j'aperçus à terre, sous le fauteuil à côté du lit, tout blanc sur le sombre tapis, ouvert comme pour mordre, le râtelier de Schopenhauer.
Le travail de la décomposition, desserrant les mâchoires, l'avait fait jaillir de la bouche. "

Tiré de "Auprès d'un corps", de Maupassant

Contribué par - Arabella Hutter

Inspiré par Les Nouveaux chemins de la connaissance, Raphael Larrère, France Culture

Wednesday, January 6, 2010

antipathie/sympathie et Schopenhauer

Alors que l'antisémitisme de Schopenhauer est détestable, sans parler de sa misogynie, sa défense des animaux étonne. Deux siècles d'avance sur son temps dans ce domaine. Sa vie personnelle a certainement eu une influence sur ses sympathies et antipathies. Ses sentiments compétitifs envers Spinoza. Un système de pensée stricte et sévère qui, ici encore, n'a probablement pas séduit ses connaissances féminines. Sa solitude. Brisée seulement par la compagnie de ... son caniche,une race de chien aux formes suggestives?

Tuesday, January 5, 2010

sympathy/antipathy for Schopenhauer


While Schopenhauer's antisemitism is detestable, as is his misogyny, his defense of animal rights is quite amazing. Two centuries in advance of its time. One could argue that his personal life had a lot to do with these likes and dislikes. His competitive feelings towards Spinoza. Again, a strict and stern system of thought which is likely to have been a poor fit for his feminine acquaintances. His loneliness. Only relieved by ... his poodle?

Contributed by - Arabella Hutter

Monday, January 4, 2010

microblog: Schopenhauer and genius

According to Schopenhauer, genius is a non utilitarian relationship to the world.

Sunday, January 3, 2010

microblog: Schopenhauer et le génie


D'après Schopenhauer, le génie est un rapport non utilitaire au monde.


Saturday, January 2, 2010

The dangers of History



Sarkozy is eliminating history/geography from France's school curriculum. Not surprisingly. History does not serve him. In the USA, while history is taught in order to gel a sense of identity around the country's originating myth, geography is ignored. Could be unpleasant if Americans got too nosy about the blurry world beyond their borders. Similarly, the historical past of France is a dangerous precedent to refer to: Revolutions in 18th and 19th Century, La Commune (control of Paris by its working class in 1870), Le Front Populaire (workers movement in the 1930s), May 68, etc.

Below a small passage from "London", a semi autobiographical text about my years in Thatcher's capital in the 80s.

"Our individual pasts slip gently into oblivion, after two or three generations. Mine, as I revisit it, is melting with history: the Thatcher era. The power of the intellectual elite is weakening. When the middle class ruled, they needed to reinforce the principal source of their wealth: knowledge. There is no knowledge without memory, without a past. Now that money has supplanted middle class and its culture, it is in corporations' interest that historical landmarks such as unions, human rights, freedom, equality are forgotten. Will history survive? Will anyone still take an interest in us? Will archeologists dig up Camberwell, looking for artifacts from 1980's squatters?"

Friday, January 1, 2010

Les histoires, ça suffit.


Sarkozy supprime l'histoire géographie obligatoire, ben voyons. Il était évident que nous en arriverions là. La France ne veut plus d'histoires et plus d'histoire. Aux USA, si on enseigne l'histoire pour tresser un sentiment d'identité centré sur les origines du pays, depuis longtemps on n'enseigne plus la géographie. Ce serait dangereux si les Américains apprennaient que le monde ne s'arrête pas à leurs frontières. Ci-dessous un passage de "London", mon texte semi autobiographique (à paraître) qui parle d'histoires, de l'histoire et de sa suppression imminnente:

"Notre passé personnel s’efface doucement, après deux ou trois générations. Le mien, sur lequel je me retourne, se confond maintenant avec un passé historique, l'époque Thatchérienne. Le pouvoir de l'élite intellectuelle diminue. Les bourgeois étaient au pouvoir, il fallait qu'ils renforcent la principale source de leur richesse: le savoir. Et pas de savoir sans mémoire sans passé. Maintenant que l'argent a remplacé le savoir bourgeoisie culture au pouvoir, les corporations ont avantage à ce qu’on ne se souvienne pas trop et surtout pas du syndicalisme ou droits ou liberté fraternité égalité, y aura-t-il encore de l'histoire? S'intéressera-t-on encore à nous? Y aura-t-il des archéologues qui fouilleront Camberwell à la recherche d'artifacts laissés par ses squatters?"

Contribué par - Arabella Hutter

Thursday, December 31, 2009

1. a list 2. a list 3. a list 4. a list 5. a list 6. etc.

You must have noticed that the Internet is flooded with lists: the 10 most memorable moments of 2009, the 12 most corrupted politicians, 10 secrets to making money and keeping it, 1 simple rule to loose weight. Because some marketing guru (or Jon Elster) stated that lists attract readers. Well, never mind, there will be no lists on the blog of curiosity. Nope. Miniature blogs maybe, but no lists.

Tuesday, December 29, 2009

1. Une liste 2. Une liste 3. Une liste 4. Une liste 5. etc

Vous avez sûrement remarqué que l'Internet est inondé de listes: les 10 moments les plus remarquables de 2009, les 15 poliiticiens les plus véreux, 10 trucs pour devenir riche et le rester, une règle toute simple pour perdre du poids. Parce quelqu'un a dit que les listes sur l"Internet (ce n'était pas Jon Elster, je crois), ça marche bien. Eh bien, il n'y aura pas de listes sur le blog de la curiosité. Non. Des blogs miniatures, mais pas de listes.

Comminiqué par - Arabella Hutter

Thursday, December 24, 2009

L'introduction d'Edouard Glissant à "The Legacy of French Rule in India"


A droite, Ananda Ranga Pillai, un marchand dont le journal offre un témoignage extraordinaire des rapports entre occupants français et population locale: nous en reparlerons! Ci-dessous, une gravure de Pondichéry au XVIIIème siècle, avec amirauté et entrepôts.


















J'ai le plaisir de présenter ici l'introduction d'Edouard Glissant au livre d'Animesh Rai. Elle situe parfaitement le sujet de "The Legacy of French Rule in India" en offrant à la fois le contexte historique et les implications plus larges du thème.

Au-dessous du texte de Glissant, vous trouverez les détails de ce livre unique, entre autre où il est possible de le commander.


Les comptoirs de l’Inde

C’est par ce titre, assez peu commun, que l’on désigna les territoires occupés par la France dans les immensités de l’Inde, alors que celle-ci était encore une colonie de la Couronne britannique. Territoires exigus, assez éloignés les uns des autres, mais dont l’appellation toujours groupée, Pondichéry Chandernagor Yanaon Karikal et Mahé, donnait l’impression d’un seul corps de terres, ou plutôt d’un archipel assez bien regroupé. « Comptoirs » voulait aussi laisser à entendre que l’occupation française était bien particulière et se rapprochait davantage de la manière des établissements que les Carthaginois avaient semés autour de la Méditerranée, ou des forts que les Portugais avaient élevés le long des côtes africaines, tous consacrés d’abord au commerce. Aussi ces comptoirs étaient-ils en général ouverts sur le large et centrés sur une intense activité d’abord maritime. Les intérêts français en Inde ne semblaient pas être territoriaux, ni au départ de nature culturelle. Une des fonctions des Comptoirs a été longtemps de faire concurrence à la Grande-Bretagne (au départ de Calcutta) sur le commerce des Indiens vers les Antilles et l’océan Indien, dans des conditions proches de celles de la Traite traditionnelle. Aujourd’hui, les descendants de ces déportés font le voyage quasi annuel, de Trinidad ou Guadeloupe ou Martinique, (et probablement des pays de l’océan Indien), vers leurs terres et leurs familles d’origine, dans le sud de l’Inde, où ils renouent avec leurs coutumes, leurs langages et leurs religions, que d’ailleurs ils n’avaient jamais complètement abandonnés.
C’est là un cas remarquable de créolisation : ces pèlerins sont indiens et trinidadiens, indiens et guadeloupéens, et ils n’en souffrent nul dommage. Il s’est même institué, dans les îles de la Caraïbe, et sur le modèle de la Négritude d’Aimé Césaire, une théorie, ou une poétique, de la Koulitude, le mot kouli, (dérivé du mot coolie à l’usage plutôt péjoratif, et en l’occurrence hardiment revendiqué), désignant dans une partie de ces terres antillaises les habitants provenant de l’Inde. J’ai rendu visite, dans le nord de la Martinique, à l’occasion d’une fête rituelle que les Martiniquais appellent un manjé kouli, (un manger kouli, parce qu’on y sacrifie des cabris, qu’on cuisine ensuite), à une famille dont le chef était l’officiant de la fête, et il m’a montré dans le secret de sa case le livre de la famille, un gros cahier relié, sauvé des aléas du voyage, et où toutes les naissances et toutes les morts étaient consignées dans la langue d’origine.
Il semble que peu à peu, et bien avant la rétrocession des comptoirs à la nation indienne, l’intérêt commercial, déjà très faible, y a cédé à quelque chose qui ressemblait à une sorte particulière d’art de vi-vre, un provincialisme distingué mais non pas rétréci, fait d’un mélange de mœurs d’autant plus délicat qu’il était resserré dans les limites de très minuscules enclaves, et qui du coup laissait paraître un pen-chant fondamental pour des mélanges d’une autre sorte, culturels (et peut-être administratifs) avant tout. C’était là un processus original de créolisation.
Il semble aussi que cet état de choses a duré après le retour des territoires au sein de la nation in-dienne, et que l’influence française a diminué de plus en plus, sans que pourtant le caractère général et l’atmosphère de cette créolisation se perde. J’ai appelé créolisation un phénomène de mélange culturel qui se produit dans un lieu et un temps donnés, sans que les éléments mis en présence se dissolvent dans le mélange : une créolisation n’est pas une dilution.
C’est le mérite de M. Animesh Rai d’avoir approché la question des comptoirs avec toute la com-préhension qu’on peut porter à une situation complexe, où le juste sentiment de la fierté nationale in-dienne se mêle à la préoccupation de ne rien perdre d’un passé historique, même basé sur une occupation. Son travail révèle des infinités de nuances dans les caractères et les réalités de ces cinq villes ou territoires ou comptoirs. Une richesse infinie des types d’habitants, et une variété de situations particulières, qui nous font considérer ces lieux comme des trésors de diversité et d’originalité, et le livre de M. Rai comme une contribution irremplaçable à la pluralité non sectaire du monde.

-- Edouard Glissant --




"The Legacy of French Rule in India (1674-1954): an Investigation of a Process of Creolization."
Animesh Rai, IFP - Publications Hors série n° 8, French Institute of Pondicherry / Henri Peyre French Institute of CUNY, 2008, viii, 251 p. Language: English. Rs 500 (18 €) ISBN: 978-81-8470-167-8.

Résumé
Nous pouvons définir la créolisation comme étant une interaction de cultures hétérogènes menant à une réalité nouvelle et inattendue. Le but de cet ouvrage est de déterminer si près de trois siècles de présence française (1674-1954) dans les anciens territoires français de l'Inde (Pondichéry, Karikal, Mahé, Yanaon et Chandernagore) ont mené à une créolisation. Peut-on dire qu'il y a toujours des traces des anciennes particularités là-bas? Si cela est le cas, quelle est leur signification par rapport à l’Inde comme nation? L'enquête de l'auteur a été basée sur une analyse de faits historiques et de recherches sur le terrain à partir d'une observation de la vie locale et de conversations avec des habitants de ces territoires.
Mots-clefs: créolisation, anciens territoires français de l'Inde

A propos d'Animesh Rai:
Dr. Rai a reçu son doctorat en littérature française de la City University of New York avec pour directeur de thèse l'écrivain martiniquais Edouard Glissant, qui est une autorité sur la créolisation. Il a enseigné le français et la littérature au Washington and Jefferson College de Washington, Pensylvanie et au College of Saint Rose à Albany, New York.

Pour toute commande ou demande d'information, veuillez contacter:
Library
French Institute of Pondicherry
11, St. Louis Street, P.B. 33, Pondicherry-605 001, INDIA
Phone: (91)-413-2334168. Fax:(91)-413-2339534
E-mail:library@ifpindia.org

Tuesday, December 22, 2009

Introduction by Edouard Glissant to The Legacy of French Rule in India

I have the pleasure to include here Edouard Glissant's introduction to Animesh Rai's book. It sets up beautifully the subject of The Legacy of French Rule in India by providing both historical context and wider implications of the thesis. Below the text you will find details about Animesh Rai's unique book and where to order it.



The Comptoirs (trading posts) of India/Introduction to The Legacy of French Rule in India
This rather uncommon term is used to designate those territories occupied by France within the immensity of India whilst it was still a British colony. These exiguous territories, distant from one another, were always grouped together as Pondichéry Chandernagor Yanaon Karikal and Mahé, giving the impression of a single body of land or, rather, of a fairly integrated archipelago. Comptoirs also implied that French occupation was specific and comparable to the establishments sown around the Mediterranean by the Carthaginians, or to the forts raised by the Portuguese along the coasts of Africa, all of which were initially dedicated to trade. These trading posts usually overlooked the sea and centred around a great deal of, mostly maritime, activity. French interests in India did not at first appear to be either territorial or cultural. For a long time, one of the functions of the comptoirs was to compete with Britain (out of Calcutta) for Indian trade in the Caribbean and the Indian Ocean, in conditions similar to those of the traditional slave trade. The descendants of those transported people today travel almost every year from Trinidad, Guadeloupe and Martinique (as well, most probably, as from the countries in the Indian Ocean) to their land and their families of origin in South India, where they renew their links with their customs, languages and religion which they have not, in fact, ever completely abandoned.
We find here a remarkable instance of creolization: these pilgrims are Indian and Trinidadian, or Indian and Guadeloupean, and none the worse off for it. As well, there was instituted in the islands of the Caribbean a theory or a poetics of “Koulitude”, based on Aimé Césaire’s “Negritude”; the word “kouli” (derived from “coolie”, a rather pejorative term boldly claimed in this case), in this part of the Caribbean, designates those coming from India. Once, on a visit to the north of Martinique, I was present on the occasion of a ritual celebration which the Martinicans call a mangé kouli, a kouli feast (because baby goats are sacrificed and then cooked), with the family whose head officiated at the ceremony and he showed me, in a secret drawer , the family chronicle, a thick bound notebook which had been preserved through the vicissitudes of the journey, in which all births and deaths were recorded in the original language.
It seems that, little by little, and long before the comptoirs were handed over to the Indian nation, commercial interest, already very much weakened, gave way to something resembling a particular kind of life style: a provincialism, distinguished but not narrow, consisting of a mixture of moralities and all the more fragile for being contained within the limits of tiny enclaves. As a result there was leeway for a fundamental inclination for mixtures of another sort, especially cultural (and perhaps administrative). It was an original process of creolization.
It would appear too that this state of affairs continued after the territories had been returned to the Indian nation and that French influence decreased progressively without any loss in the general character and atmosphere of creolization. What I call creolization is a phenomenon of cultural mixing at a given time and place without the elements brought into contact being dissolved in the mixture: creolization is not dilution.
Animesh Rai is to be credited with having approached the question of the comptoirs with all the comprehension that can be brought to bear on a complex situation in which justifiable feelings of Indian national pride are tied to a concern with preventing an historic past from being lost, even when it is in the form of an occupation. Dr. Rai’s work reveals infinities of nuance in the nature and reality of these five towns, territories or comptoirs and an infinite richness of types of inhabitant, as well as a variety of specific situations which lead us to consider these places as treasures of diversity and originality. Dr. Rai’s book is an essential contribution to the non-sectarian plurality of the world.
- Edouard Glissant -

"The Legacy of French Rule in India (1674-1954): an Investigation of a Process of Creolization."
Animesh Rai, IFP - Publications Hors série n° 8, French Institute of Pondicherry / Henri Peyre French Institute of CUNY, 2008, viii, 251 p. Language: English. Rs 500 (18 €) ISBN: 978-81-8470-167-8.

Summary
Creolization can be defined as an interaction of heterogeneous cultures leading to a new and unexpected reality. This book is an attempt to investigate whether or not nearly three centuries of French presence (1674-1954) in the former French territories of India (Pondicherry, Karaikal, Mahé, Yanam and Chandernagore) have led to creolization. Can one say that there are traces of French colonization, language and culture in the former enclaves? If so, what is their significance with respect to India as a nation? The investigation has been based on an analysis of historical facts and ground realities gauged from an observation of local life and conversations with people of these territories.
Keywords: creolization, former French territories of India

About the author
The author earned a doctorate in French literature from the Graduate Center of the City University of New York under the guidance of the Martinican writer and leading theorist of creolization, Edouard Glissant. He has taught French language and literature at the Washington and Jefferson College in Washington, Pennsylvania and at the College of Saint Rose in Albany, New York.

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Monday, December 21, 2009

Une calviniste s'étonne d'un jeu judaïque


Je prends une petite pause dans la série d'Edouard Glissant, nous reviendrons à lui et à Animesh Rai tout bientôt, promis. Pour faire un tour du côté du judaïsme.

Quand nos enfants étaient à l'école primaire, ils rapportaient des coutumes juives qu'ils y avaient apprises. En fait, c'est notre fils qui nous a demandé de célébrer Hanouccah. Moi, j'étais tout à fait d'accord. J'ai toujours été intriguée par les coutumes juives qui me paraissaient mystérieuses et symboliques. Si bien que nous allumons une bougie de plus sur notre menorah chaque soir de Hanouccah. Nous mangeons de la nourriture frite pendant cette période. Et nous jouons au dreidel ou sevivon. Chaque joueur place une pièce de monnaie, ou une noix, ou un bonbon, dans la cagnotte. Puis, chacun à son tour, ils font tourner une espèce de dé à quatre côtés, pour quatre royaumes, le dreidel. Soit le joueur gagne toute la cagnotte, ou la moitié, rien du tout, ou doit payer deux pièces. Les symboles hébreux épellent: Un grand miracle prit place là-bas.

J'ai grandi dans le berceau du calvinisme. On y apprend que tout gain doit être, et peut être, obtenu par un travail persévérant. Nous jouions à des jeux où l'on se déplace laborieusement case après case pour atteindre un paradis ou la maison. Pas dans le dreidel. Avec un seul coup de dé, on peut tout gagner ou au contraire il faut payer. Cette dépendance du hasard me semble à l'image de ce que le peuple juif a vécu au cours des siècles. Par périodes, il leur était possible d'accumuler des biens et peut-être une certaine stabilité. Qui pouvait disparaître par un coup de sort. Un prêcheur partriculièrement enragé. Un livre plein d'élucubrations sinistres. Un dictateur hystérique. Le jeu de dreidel est gai et léger, comme beaucoup de mes amis juifs. Nous rions quand nous perdons. Nous rions quand nous gagnons. Nous nous glissons subrepticement des bonbons dans la bouche. Mieux vaut en profiter avant que ça ne disparaisse.

Contribué par - Arabella Hutter



Je valide l’inscription de ce blog au service Paperblog sous le pseudo xyzenchoeur



Saturday, December 19, 2009

A calvinist plays a Jewish game


A small break from Edouard Glissant, we'll get back to him and Animesh Rai very soon, I promise. To take a look at dreidel.

Our family celebrates Hannukah. We have the privilege to live in a great city with many different cultures. Judaism contributes a lot to the unique character of New York. When they were smaller our children came back from school having learned about Jewish customs. We have adopted some of them and we particularly enjoy the celebrations around Hanukkah. We light one more candle every night on our lovely menorah. We eat fried food almost every night of that week. And we play dreidel, or sevivon. In this game, each player contributes a nut or a candy or a coin to the kitty. They take turns rolling a kind of die, the dreidel. (Picture of a beautiful ancient dreidl above). There are four sides to the die: either you win the whole kitty, or half of it, or you gain none or you have to pay two coins.

Now I grew up in the birthplace of calvinism. We were taught all gain should be, and can be, earned by persistent labor. In the board games we play, we go laboriously around many squares to reach some kind of heaven or home. Not for the Jews. On a whim of chance, they win everything or have to pay. It seems such a reflection of what the lot of the Jews has been through the centuries. At times they might have been allowed to acquire a certain wealth. Which could all be lost on a whim of chance. The dreidel game is fun and light, like many of my Jewish friends. We laugh at loosing. At winning. We surreptitiously stick candy in our mouth. Better enjoy it while we have it.

Contributed by - Arabella Hutter

Friday, December 18, 2009

Animesh Rai sur Glissant!

"Aujourd'hui, l'individu, sans avoir à se déplacer, peut être directement atteint par l'ailleurs, parfois même avant que sa communauté, famille ou groupe social ou nation, se soit enrichie de la même atteinte. Cette répercussion immédiate et fragmentaire sur les individus, en tant que tels, a autorisé en Europe les pressentiments des premiers poètes de la Relation, Segalen ou Raymond Roussel ou le Douanier Rousseau." Edouard Glissant, La Poétique de la Relation

Comme promis, voici la contribution d'Animesh Rai. Il nous raconte sa relation avec Edouard Glissant et introduit le sujet de sa thèse de doctorat, dont nous reparlerons bientôt!

Arabella:
Je trouve certains passages de la Poétique de la Relation difficiles à comprendre. Je lis un passage puis je le laisse décanter. J'ai l'impression que Glissant ne donne pas une définition de la Poétique de la Relation, mais qu'il la peint à coups répétés de pinceau. Cela vous semble-t-il juste?

Animesh:
Je crois que vous avez tapé dans le mille. C'est bien ainsi que procède Glissant. Il aimerait mieux ne pas donner de définitions. Il s'attend à ce que nous nous attelions à ses textes et que nous formions notre propre opinion. Il est très influencé par le style de William Faulkner qu'il considère comme le plus grand écrivain. Faulkner aussi est difficile à comprendre. Dans une de mes conversations avec Glissant, il me disait que Faulkner est plus compréhensible quand il est traduit en français. J'ai acquis quelques oeuvres de Faulkner dont "The Sound and the Fury" (Le Bruit et la Fureur) que Glissant m'a donné envie de lire (sa vision de ce livre était tellement fascinante que je n'avais plus envie de lire rien d'autre à ce moment) et je crois qu'il avait raison pour la version française!

Avant d'entrer au programme doctoral français de la City University of New York, j'avais entendu parler de Glissant à l'Université de Columbia et à NYU. Je m'étais rendu compte qu'il était célèbre, du moins dans les cercles universitaires francophones. Lors du premier cours que j'ai pris avec Glissant, j'ai compris que j'étais dans un autre monde, car aucun des cours auxquels j'avais assisté jusque là ne m'avait autant intéressé. Je considérais les cours de Glissant comme des séances échappatoires, parce qu'il y avait peu de travail, du moins dans le sens conventionnel. Je ne peux exprimer à quel point ces cours étaient stimulants. Je les ai suivis semestre après semestre jusqu'au stade de ma thèse. J'ai découvert alors que ses cours n'avaient plus rien à m'offrir, il fallait que tout vienne dorénavant de moi. Glissant exigeait que je pense par moi-même et que je cesse de m'accrocher à ses définitions, etc. Ceci dit, même dans nos non discussions, je m'accrochais à chaque mot qu'il disait (si intense et signifiant), c'était exaltant au-delà des mots.

Pour ma thèse de doctorat, il fallait que je détermine si trois siècles de présence française dans les anciens territoires français de l'Inde avaient produit une nouvelle réalité, étant données les circonstances initiales. C'est ce que Glissant définirait comme étant une créolisation. Pour résumer la conclusion de ma thèse, quand j'ai examiné les anciens territoires français en Inde (de toutes petites enclaves isolées les unes des autres dans le vaste sous-continent indien), il m'était difficile de percevoir une créolisation. Cependant, jai identifié une créolisation quand les territoires étaient examinés dans le contexte plus large de l'Inde, c'est à dire les parties en relation avec le tout et donc, peut-être, une Poétique de la Relation."

A propos d'Animesh Rai:
Dr. Rai a reçu son doctorat en littérature française de la City University of New York avec pour directeur de thèse l'écrivain martiniquais Edouard Glissant, qui est une autorité sur la créolisation. Il a enseigné le français et la littérature au Washington and Jefferson College de Washington, Pensylvanie et au College of Saint Rose à Albany, New York.

Tuesday, December 15, 2009

Animesh Rai on Glissant!

"Today the individual, without having to go anywhere, can be directly touched by things elsewhere (...).
This immediate and fragmentary repercussion on individuals, as individuals, permitted the premonitions of Victor Segalen or Raymond Roussel or Douanier Rousseau." Edouard Glissant, Poetics of Relation


As promised here is an entry from Animesh Rai where he relates his experience with Edouard Glissant and introduces the subject of his thesis which he will develop in an upcoming blog entry .

Arabella:
"Some of Glissant's writing is hard for me to understand. I read a small passage at a time and let it sink. I get the impression that Glissant does not give a definition of the Poétique de la Relation, or Poetics of Relation, but paints it with repeated brush strokes. Does that seem right to you?"

Animesh:
"I think you hit the nail on the head for that is what Glissant is all about. He would rather not define things. He expects you to diligently work through the writings and form your own opinion. He is actually very influenced by the style of William Faulkner whom he considers to be the greatest living writer ever. Faulkner is in fact also very difficult to understand. In one of my conversations with Glissant, Glissant said that actually Faulkner becomes clearer when translated into French. So I did get a few copies of some of Faulkner's works among them "The Sound and the Fury" which Glissant inspired me to read (he made that novel sound so interesting that at that point there was nothing more that I wanted to read) and I think that he was right about the French.

Prior to entering the CUNY Graduate Center French Ph.D. program, I had heard about Glissant from people at Columbia and at NYU and understood that he was famous, at least in Francophone scholarly circles. When I first took classes with Glissant, I realized I was in another world for no other class I ever took was as interesting to me. I used to brand them as sessions of escapism for there was very little work involved in the conventional sense. They were stimulating beyond words. I kept taking classes with him semester after semester until I reached the dissertation stage and then I discovered that there was nothing stimulating about him any more for at that stage, everything had to come from me. He expected me to do my own thinking and not to latch on to his own definitions etc. That being said, even during my non discussions with him, I would latch on to every word he said (being very intense and charged) and that was inspiring beyond words as well.

For my Ph.D. thesis, I had to determine whether or not nearly three centuries of French presence in the former French territories of India had produced a new reality given the initial circumstances. This is what Glissant defines as creolization. To put the conclusion of the thesis in a nutshell, when I examined the former French territories of India (tiny enclaves isolated from one another in the vast land mass of India), it was difficult for me to perceive any creolization. However, I was able to perceive creolization when the territories were put into the larger context of India, that is the parts relative to the whole and hence, perhaps, the Poétique de la Relation."


More about Animesh Rai:
Dr Rai earned a doctorate in French literature from the Graduate Center of the City University of New York under the guidance of the Martinican writer and leading theorist of creolization, Edouard Glissant. He has taught French language and literature at the Washington and Jefferson College in Washington, Pennsylvania and at the College of Saint Rose in Albany, New York.