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Wednesday, May 26, 2010

Jeudis d'Afriqua Paris - dans l'esprit de Glissant


Je n'aurai pas l'occasion d'y aller, bloquée derrière l'Océan Atlantique, mais je vous conseille de vous rendre sans faute à la rencontre d'Afriqua Paris du jeudi 27 mai avril autour de Sony Labou Tansi (à gauche), 1947-1995, romancier, poète dramaturge présenté par Nicolas Martin-Granel et Patrice Yengo, spécialistes de la littérature africaine suivi de Joss Doszen, jeune auteur, griot urbain au talent prometteur. Deux formes de littérature à explorer. 

Les rencontres des "Jeudis d'Afriqua Paris" se tiennent:

Au Restaurant Albarino
4 rue Lekain, Paris 16ème, M° La Muette











Biographie de Sony Labou Tansi, par Edwige Gbouablé (photo: Cécile Pango Djepp Beugré et Michael Danon dans "Il nous faut l'Amérique!"):
"Sony Labou Tansi est né le 5 Juin 1947 à Kimwanza, au Zaïre. Professeur de formation, Sony devient par la suite un grand artiste. Il s'est imposé par la richesse de son écriture, comme le chef de file de la nouvelle génération d'auteurs africains. Ecrivain pluridisciplinaire, Sony s'est pratiquement illustré dans tous les genres : poésie, nouvelle, théâtre et roman. Mais c'est dans ces deux derniers qu'il a fait connaître son talent d'auteur-metteur en scène avec la troupe Rocado Zulu Théâtre. Sony a été un écrivain prolifique et non-conformiste, de par le caractère subversif et novateur de son écriture qui se veut un moyen de libération et donc de promotion de l'art africain, à travers la création de "formes rebelles" rejetant à la face du monde les atrocités qui la gouvernent. Sa production littéraire est un vaste champ d'oeuvres primées pour la plupart. Nous ne citerons ici que les pièces et romans édités. Après la vie et demie qui l'a révélé mondialement en 1979, Sony publia quatre autres romans : L'Etat honteux (1981), L'anté-peuple (1983), Les sept solitudes de Lorsa Lopez (1985), Les yeux du volcan (1988). Son sixième roman intitulé Le commencement des douleurs a été publié à titre posthume en 1995. Dans le domaine théâtral on peut citer, outre les pièces phares, Conscience de tracteur (Présence Africaine, 1979), Je soussigné cardiaque et Parenthèse de sang (Hatier, 1981), d'autres titres comme Ma rue mouche (Equateur n° 11, 1986), Antoine m'a vendu son destin (Acoria 199), Moi veuve de l'empire (L'Avant-Scène Théâtre n° 815, 1987), Qui a mangé madame d'Avoine Bergotha ? (Lansman, 1989), Une chouette petite vie bien osée (Lansman, 1992), Le coup de vieux co-écrit avec Caya Makhélé (Présence Africaine, 1988), Une vie en arbre et chars…Bonds (Lansman, 1998), Qu'ils le disent qu'elles le beuglent (Lansman, 1995), Le trou (Lansman, 1998). 

Toute cette créativité a fait de Sony un écrivain accompli et épanoui parce que libre dans ses pensées et dans son écriture qui ne s'embarrasse d'aucune règle normative. Sony reste même mort, l'une des voix les plus autorisées du monde littéraire africain."

Pour en savoir plus sur S. Labou Tansi:

Pour écouter S. Labou Tansi:


Bien des auteurs français, surtout à l'époque coloniale, ont donné leurs impressions de l'Afrique dans leurs écrits: Maupassant, Gide, Kessel, St-Exupéry. Intéresssant, et Glissantien, de découvrir cet extrait d'un texte de Sony Labou Tansi où il décrit la ville de Limouse avec son optique bien particulière:

"Cette ville c’est de l’argile tout bêtement. Elle est jaune. Rouge par endroits. Elle boit les vrombissements des camions et la lente machination des orages au mois d’octobre. Mais cela dépend tout à fait. Les forêts d’ici sont de vieux fétiches de bois verdâtres. Les pierres marchent exactement comme les pierres de chez moi. Cette terre se laisse déchirer par le progrès, elle cache son âme derrière les pierres taillées par un poète appelé Sanfourche. Une vache rumine le même songe dur laissé par nos petits ancêtres. Chaque vache ici fait un peu paysan de chez moi. Mais cela n’est rien. Il y a le maire de Bessines et le vieux Léopard-maire d’Eymoutiers, ex-marxiste, ex-intellectuel, ex-maoïste, futur œuf de pierre. Beaubreuil sonne comme un mot de chez moi. Le soleil coupe les heures mortes et les feux rouges. Quel beau destin que celui d’un feu vert ! J’en ai bu cinquante hier. C’est peu cinquante. Sur la route qui va de la gare au lycée Léonard, j’ai croisé des filles rondes comme des feux rouges. Elles n’ont pas perdu le grand art de marcher dans leur âge. Avec les vieilles dames aux chapeaux indélicats, marcher c’est déjà la hausse des prix. La Vienne a fait ses « biloko » comme si elle allait prendre le prochain train pour Périgueux. Elle marche aussi courtoisement que la rue Jaurès. Gambetta quitte la place d’Aisne comme un sexe en colère. L’avenue Allende s’est tuée tout contre l’avenue de la Révolution et la Vienne n’a rien dit. Mais cela arrive aussi chez nous. Les menstruations des chauffages attendent la date requise pour couler. La nuit est lente. Nous avons froid. Il se pourrait que demain le soleil brille autrement. Nous viendrons de partout, pour ramasser de petits fagots de terre cuite. Aujourd’hui c’est tout bête : nous apprenons à multiplier la parole par le nombre de mal-amours cousus derrière la vente morte des céramiques. Les noms ne parlent plus. Comme les autres terres, cette terre est enceinte d’un brouillon de malaise. Elle veut se dire et parler dans sa langue de terre cuite. Certes cela énerve d’être le balbutiement annuel de l’avenir. Tu murmures. Tu chantes. Tu croasses. Ou bien tu cries … personne ne t’a appris à parler aussi loin que la terre. Pourquoi le redire à cette ville et dans cette ville ? Nous sommes tous emprisonnés dans la matrice des silences que font les mots. Cela n’est rien du tout puisque parler c’est souiller le silence."
Contribué par  - -  Astou Arnould 
Publié par,  avec matériel supplémentaire  - -  Arabella Hutter