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Thursday, April 15, 2010

Etes-vous un(e) romantique?

Le Sabbat des sorcières, de Goya

Vous l'êtes peut-être sans le savoir. Traditionnellement la culture occidentale a été divisée en cinq périodes: le Moyen Age (auquel on attribue des sous-divisions: il a duré plus de 1000 ans), la Renaissance, le Siècle des Lumières, le Romantisme et le Modernisme. Moderne? Combien de temps allons-nous demeurer modernes? On se moquera de nous, dans le futur, avec notre modernité désuète. Je trouvais douteuse de toute façon cette dernière division. Il me semblait que nous vivions toujours avec les mêmes éléments culturels de base qu'à l'époque romantique: en particulier notre conception de l'individualité. Je m'étonne de ne pas avoir écrit à ce sujet plutôt, parce qu'il me fascine. J'ai fait un peu de recherche, et j'ai découvert qu'effectivement bon nombre de penseurs ne croient pas que le romantisme soit une période révolue. D'après eux, nous sommes des romantiques tardifs, comme Rousseau et Goethe appartiennent aux débuts du romantisme, nous en vivions la période décadente alors que s'écoule des formes de romantisme à peine reconnaissables, comme l'existentialisme.

Alors que j'explorais ce sujet, je suis arrivée au livre de Isaiah Berlin, The Roots of Romanticism: Les origines du romantisme. Je ne crois pas qu'il soit publié en français, malheureusement, c'est un texte passionnant et aisé à lire, parce qu'il était destiné à une conférence. Berlin, dans sa sagacité, n'essaie pas de définir le romantisme. Il développe d'abord le sujet historiquement. Selon lui, ce mouvement serait né en réaction au Siècle des Lumières. Dans un miileu piétiste, bourgeois et germanique, par opposition aux rationalistes français aristocratiques. Alors que ces derniers croyaient en la toute puissance de l'intelligence, en l'universalité des valeurs, le romantisme préfère l'émotion, le mystère, le particulier, le pittoresque. Selon ce mode de pensée, le monde, dans une grande mesure, est insaisissable. L'homme aussi. Une grande partie, la plus précieuse, est cachée. Cette conception de l'humain, rationalisée, donne naissance plus tard à la psychanalyse. La valeur d'un homme réside dans son caractère individuel plutôt que dans ses qualités. Plus il est unique, plus il est exalté. Le rationalisme du XVIIIème soutient l'horizontalité, le contentement est possible. Le ciel au-dessus de nous est vide, seul existe la capacité des humains à comprentre et à créer une société raisonnable. Le romantisme est tout en verticalité, de tout en bas jusqu'au nues, et à vitesse grand v. Je pense à Sorel, le personnage principal d'un de mes livres préférés, Le Rouge et Le Noir, de Stendhal. Ce héros, tout en ambition et en égotisme, finit par tuer sa maîtresse puis à être condamné à mort. L'opposition entre rationalisme et romantisme se retrouve dans l'architecture: le baroque avec ses lignes plates, sa dévotion aux plaisirs terrestres, sous l'égide de petits amours se baladant dans les nuages et le ciel bleu. Le romantisme, avec son penchant pour la nostalgie et les mystères mystiques du moyen âge, retourne vers un gothique plus que flamboyant, avec sa verticalité exacerbée et son désir d'absolu. Il est intéressant de noter d'ailleurs que le romantisme du XIX n'a produit que peu d'architecture innovatrice et moins d'artistes que d'autres mouvements. (Exception: Goya - voir tableau ci-dessus.) Mais ceci a peut-être plus à faire avec le fait que le romantisme a été particulièrement important dans le nord de l'Europe d'où sont issus moins d'artistes visuels et plus de musiciens que dans sa contrepartie méridionnale, du moins avant le XXème siècle. Le capitalisme peut aussi être considéré comme un dévelopement, si ce n'est consécutif, du moins parallèle au romantisme. La transcendence par le gain. Ce système, ainsi que notre sens hyperbolique de l'individu qui l'accompagne, se propage dans le monde entier de part son attraction irrésistible. Vaincra-t-il? La Chine et l'Inde semblent déjà avoir épousédans le contexte de leurs cultures ces valeurs alors qu'elles sont encore rejetées dans certaines parties du monde arabe. Qui n'ont peut-être pas particulièrement bénéficié du capitalisme global. Ou le capitalisme sera-t-il terrassé par la montée du fondamentalisme à laquelle on assiste dans le monde entier?

Contribué par - - Arabella Hutter