Friday, January 31, 2014

Un miroir au coin de l'Univers

J'écoutais à la radio un jeune philosophe américain anthropique, David Chalmers, affirmer que nous avons une raison d'être. Nous serions la conscience de l'Univers. Nous en serions les peintres, les poètes, les musiciens, les philosophes. Sans nous, l'Univers ne saurait pas qu'il existe.


 Cette proposition nous brosse les poils à rebours. Après des siècles où le Christianisme a mis l'homme au centre de l'Univers, enfant chéri de Dieu, nous avons fait le dur apprentissage de l'humilité, étape après étape. La terre n'est pas au centre de l'Univers et le soleil ne lui tourne pas autour. Les animaux ont aussi des droits. Nous ne sommes pas la création ultime de Dieu, mais un accident de parcours dans l'évolution biologique. Le monde est aléatoire et non voulu par Dieu. Voilà notre crédo, en tant qu'intellectuels européens. Il a été forgé au XXème siècle par Heidegger, Sartre, Lévy-Strauss et les autres.

Arrivent des penseurs et scientifiques qui bouleversent ces certitudes. D'anthropocentrisme, ils passent à l'anthropisme. Leur théorie peut être interprétée de deux manières. D'une part, on peut la prendre simplement comme une vision de la réalité, une optique. Il est indéniable que nous ayons une conscience qui nous permet d'avoir conscience, justement, de l'univers. J'apprécie le côté poétique de cette version de l'humanité, nous autres femmes, hommes minuscules sur notre minuscule planète dans une des innombrables galaxies du cosmos, que nous en soyons le miroir. Sans nous placer au centre de l'univers, au contraire, nous sommes dans un coin, à refléter l'émerveillement de l'univers. S'il n'y avait pas de conscience, l'existence de l'univers, ainsi que son essence seraient ignorés. C'est assez facile à accepter. 

Le second aspect de la proposition, que notre raison d'être soit notre rôle de miroir est plus difficile à avaler. Même s'il est intéressant d'aller à contre courant et de considérer la possibilité que nous ayons une raison d'être. Si notre existence a un but, cela présuppose une entité supérieure qui l'ait choisi. Evidemment, le candidat de choix pour ce poste est dieu, ce qui ferait plaisir aux Créationnistes. Dieu ou autre, il présuppose une conscience qui gère et alors nous ne sommes plus les seuls à être conscients de l'univers.

Certains de ces philosophes affirment aussi, statistiques à l'appui, que nous serions les seuls êtres dans notre univers, mais qu'il y aurait d'autres univers qui produiraient aussi des êtres conscients. Je trouve cette interprétation des statistiques douteuses. Par contre, assez sympathique d'imaginer ces autres univers avec ces autres consciences, comme nous voyons nos compagnons humains dont nous savons qu'ils ont chacun une conscience sans pouvoir jamais en faire l'expérience. Mais quant à moi, j'espère fermement que nous ne sommes pas les seuls dans notre univers et qui nous allons faire connaissance tout bientôt.

Cette théorie présuppose aussi que les animaux n'ont pas conscience de l'univers. Je consulte mon chat. Il est assis à la fenêtre. Il regarde l'univers. Peut-être que sa perception sans mots, sans imagerie, sans théories, dans une ontologie pure, est plus adaptée à ce qu'est vraiment l'univers que la nôtre.

Publié par  - - Arabella Hutter