Nous les voyons depuis notre balcon, les rencontrons dans l'escalier, partageons avec eux le jacuzzi. Ils ressemblent et se comportent comme des Américains ordinaires, ce qui est bizarre, je m'attends des adeptes d'une secte qu'ils soient socialement inadaptés. Ils sont blonds et grand et beaux. Seulement, escortées par de nombreux enfants (une stratégie bien rôdée pour l'expansion de l'église que d'interdire la contraception), les femmes ne portent pas de bikinis, mais de prudes maillots. Les Mormons ne boivent pas d'alcool, ni de boissons caféinnées. Ils ne fument pas. Nous adonnant à presque toutes ces habitudes, nous étions des pécheurs de leur point de vue.
Je me surprends à planifier des cambriolages de leurs condos. Ce serait facile de grimper sur les balcons, peut-être quand ils sont à l'église le dimanche matin. On prendrait juste l'argent et les vélos, je rêve de sillonner à vélo les magnifiques paysages du Sud Ouest américain.
Je suis intriguée. En général, je ne donne pas dans le cambriolage, sans blague, ce n'est pas mon champ professionnel. Comment se fait-il que je songe, même en passant, à commettre un crime? Eh bien, comme je suis une pécheresse pour eux de toute façon, pourquoi ne pas ajouter un péché de plus? Nombre de mes comportements et de mes habitudes appartiennent au Mal, d'après les Mormons. Je me retrouve dans la peau de tous ceux qui sont marginalisés dans notre société, tels que les minorités ethniques aux États-Unis ou les gitans en Europe.
Les individus appartenant à des minorités sont criminalisés avant qu'ils ne commettent un crime, parce qu'ils ne correspondent pas à la norme du citoyen respectable typique. En outre, aux États-Unis, le système juridique est biaisé contre eux, les médias les dépeignent généralement comme des criminels. A quoi bon essayer d'être un citoyen responsable, si on est de toute façon étiqueté et perçu et traité comme un malfaiteur?